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ASSEZ DIT

15 juin 2009

LE REAL SE PAYE UN PICASSO

Des journalistes sportif aux journalistes d'information en passant par les anciennes gloires du football et bien sûr les bloggeurs, dans les bars-tabac-pmu, les salles des profs ou devant les écrans d'ordinateur, le monde entier n'a que ce nombre à la bouche : 94 millions d'euro (80 millions de livres sterling)
Cette somme "dépasse les limites du raisonnable" (Anibal Cavaco Silva), "injustifiable et incompréhensible à tout esprit normal" (Frédéric Thiriez) ou encore "cet engrenage pose de nouveau et de façon aigüe la question du fair-play financier" (Michel Platini).
Mais au fait j'ai oublié de préciser que cette somme n'est pas le PIB de la République des Kiribati (c'est beaucoup moins) ni la sanction de la Commission Européenne à l'encontre d'Intel ou de Microsoft pour abus de position dominante (c'est beaucoup plus). Il s'agit du prix d'un joueur de football, celui du portugais Cristiano Ronaldo. Oui le prix ! Ici on ne parle pas de son salaire (sans doute plus de 500.000 € mensuel) mais du montant que son ancien club, l'anglais Manchester va recevoir du Real, célèbre club madrilène surendetté (plus de 500 millions d'euros).
"Tout ça au fond ce n'est que du football" serait la conclusion logique mais la crise est passée par là et l'argent a aujourd'hui une toute autre valeur. Le président de la FIFA, M. Blatter aurait été inspiré de tenter de calmer un peu le jeu, au contraire il en rajoute, sans doute en tant qu'admirateur de C. Ronaldo (en 2008 il dementait avoir comparé à de "l'esclavage moderne" le refus de Manchester d'autoriser le transfert de l'attaquant portuguais déjà vers le Real). Toujours étant qu'il commente cette affaire en y voyant juste la preuve que le football se porte bien face à la crise ("Cela veut dire que notre produit est toujours un bon produit"). C'est en effet un commercial qui doit vendre "son produit". Il occulte donc très volontiers les dettes énormes contractées par les grands clubs européens, 3.4 milliards uniquement pour les clubs espagnols. Le jeu en vaut la chandelle sans doute.
Mais la coupe (de l'UEFA) est pleine lorsqu'il décide de frapper fort et de comparer son protégé avec "Le garçon à la pipe" de Picasso : "Il y a dix ans, un tableau de Picasso a été vendu aux enchères chez Sotheby's à Londres pour plus de 100 millions. Et qu'est-il advenu du tableau ? Il a été rangé quelque part où personne n'a pu le voir (...) Un footballeur, on peut le voir une ou deux fois par semaine"

GALPCR

 














Comment peut-on comparer un tableau à un joueur de football, même s'il était le meilleur joueur du monde ?
Entendons-nous bien, le football est, je le concède volontiers, devenu une sorte d'art. La performance des joueurs n'a plus grand-chose de sportive, elle participe plus à l'art du spectacle. N'y a-t-il pas de moins en moins de différence entre un match de foot et un film par exemple ? Là où M. Blatter dépasse les limites des bornes est qu'il omet de dire que les tableaux, même ceux de Picasso ont mis des décennies à prendre autant de valeur. Cristiano Ronaldo est quant à lui "vendable" que depuis 2003 environ. De même dans 10 ans personne ne payera un bath pour le faire jouer, c'est de l'art éphémère si cher à l'art contemporain.
Mais si l'on regarde un peu les chiffres c'est édifiant : en 2008 c'est le Louvre qui détient le record de fréquentation avec 8,5 millions de visiteurs contre plus de 26 millards de téléspectateurs devant la Coupe du monde 2006 !
Il devient difficile de lutter contre un tel constat. N'oublions pas que les plus grands clubs peuvent se permettre de telles dépenses grâce justement à ses fans. Vous savez ces personnes qui sont prêtes à mettre plus de 80€ dans l'achat d'un maillot de leur joueur préféré (ainsi Beckham a rapporté à Madrid quelques 600 millions d'euro en quatre ans seulement sur la vente de maillot). Le prix moyen d'une place est d'environ 60€ et il y a 60.000 place à Santiago Bernabeu. Je pourrais continuer comme ça très longtemps.
Je ne veux surtout pas faire de populisme ni de démagogie et M. Blatter n'a malheureusement pas tort quant à son constat, assez cynique il faut l'admettre. Le football est le nouvel opium du peuple et les narco-trafiquants ne se sont jamais aussi bien porté. On pourrait juste regretter d'être passé très loin du sport et pas seulement sur cette affaire.
Alors à tous les faux dévots et les vrais moralistes j'espère qu'il vous reste beaucoup d'énergie. Demain ça sera pire...

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10 juin 2009

REVEUR

Les lumières de la ville s’allument, la nuit tombe. Il vit au même endroit depuis si longtemps qu’il a déjà utilisé tous les raccourcis, itinéraire bis et chemin de traverse pour renter chez lui.

Aujourd’hui il décide qu’il ne rentrera pas. Il ne veut pas explorer le monde, ni connaître les méandres des favelas du Brésil ; juste à nouveau ressentir du désir. Avoir à se présenter, dire bonjour à des inconnus, sentir sur lui toutes sortes de regards. Il sait qu’elle l’attend là-bas, celle pour qui il se sent prêt à faire des efforts. Il ne laissera plus le frigo vide, il videra les cendriers. D’ailleurs si elle le lui demande il arrêtera de fumer.

Faut qu’il se dépêche, il perd autant de cheveux qu’il gagne de ventre. Mais il ne peut pas, il doit rentrer nourrir son chat. Au moins il n’a pas vu le trajet passé.

5 juin 2009

PLUVIEUSE

Il pleut lorsqu’elle descend de chez lui. Il lui avait proposé d’attendre la fin de l’averse mais elle avait refusé. La pluie ne la dérange pas, d’ailleurs elle aussi était tombée ce matin.

Les rues sont vides, à part deux ou trois parapluies se baladant au loin. Elle se demande ce qu’elle regrette en fait ; marcher seule sous la pluie la repose. Elle pense à tous ces gens qui n’aiment pas la pluie. Elle aime son odeur.

Ses cheveux sont tellement mouillés qu’ils ne retiennent plus les gouttes qui descendent le long de son visage. Elle tourne en rond. Elle remontera, elle s’en rend compte maintenant.

Elle n’a jamais su faire de prévisions mais elle sait qu’il repleuvra demain.

1 juin 2009

SUR UN BANC

Un banc en béton. Gris. D’une couleur brute si foncée qu’on aurait pu le croire peint. Un homme assis, plutôt un jeune homme. Il est énervé, il se dispute avec une femme qui se tient à côté de lui, debout. Les paroles fusent. La syntaxe est oubliée, la conjugaison avec. Les mots touchent, frappent juste néanmoins. Elle ne veut plus le voir, mais ne peut détacher son regard de lui. Il l’aime et pourtant il n’ose la regarder. Les arbustes du square n’ont plus de feuille, et le printemps n’a pas encore apporté de bourgeons.

 

Autour il n’y a personne. Le meurtre de leur couple se passe là, en direct, sans témoins. Si, moi. Je suis là et je les aime sincèrement.

25 mai 2009

ROULE(E)

Déjà presque cinq minutes que je la suis et je n’arrive toujours pas à en décrocher mon regard. Ses hanches sont rondes mais fermes, ses épaules douces et fragiles. Un tissu les couvrirait, je ne les aurais pas remarquées.

Avoir inventé les vêtements n’a pas caché la nudité, elle l’a même crée. Ou du moins le désir qui en découle. J’étais comblé par ce soleil d’été qui était mon sésame à la chair.

J’avais une incontrôlable envie de les mordre à pleines dents, juste pour goûter. Elle était arrivée, je devais faire vite. Lui dire tout sauf la vérité pourvu qu’elle me fasse monter. Qu’elle ne reste pas une pierre au fond d’un océan de fantasmes inassouvis.

La fille au col roulé accrochée à mon bras avait fini sa conversation téléphonique et commençait à se plaindre de cette chaleur estivale.

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20 mai 2009

ECCE HOMO 1/999

          Une nouvelle fois où il jouit sans prendre son pied. Ces derniers temps cela devient trop fréquent pour rester supportable. Il descend dans la rue afin d'oublier qu'il rumine et allume son walkman pour oublier qu'il marche. C'est une belle nuit, les rares nuages traversent un ciel étoilé qu'on pourrait croire d'été. Il remonte quand même son col.

 Une demi-heure déjà qu'il déambule et il est toujours aussi sombre. La ville entière fait de son mieux pourtant. Les clochers sont illuminés, les boulevards bien dessinés et les phares des voitures lui font des clins d'oeil multicolores. Feu orange, feu rouge. Il interrompt sa marche mécanique. A côté de lui, s'arrête un homme et son chien. Ce dernier tire sur sa laisse pendant que son maître tire sur sa cigarette. Deux semaines que Jules n'en a pas fumé une, quinze jours c'est déjà ça.

  A cette heure-là, seule la gare reste ouverte. Il s'achète un paquet de Philip Morris et demande une boîte d'allumette. Dans le hall désert, il allume sa tige de goudron. La voix de la SNCF rappelle aux voyageurs qu'il doivent composter leurs billets avant de monter le train et qu'il est interdit de fumer dans l'enceinte de la gare.

 Peu de trains au départ, Lausanne à minuit quarante-deux, Besançon trente-sept minutes après et Rome dans vingt-cinq minutes. Il se dirige jusqu'à la voie F et, alors qu'il s'apprête à monter les 23 marches pour accéder au quai, il les a compté à l'occasion de sa dernière nuit d'insomnie, il doute. Il ne sait pas vraiment de quoi il peut bien douter, son rituel est quasiment toujours identique : Il choisit le train qui part en premier de manière à ce qu'il y ait déjà quelques voyageurs , il s'assied sur le banc le plus éloigné et attend. Du moins il essaie d'attendre, il cherche à comprendre ce que l'on ressent lorsque l'on attend quelque chose. Toujours est-il qu'en montant la douzième marche il ne s'en souvient déjà pratiquement plus, mais il a bien ressenti un trouble.

 Le train est déjà là, un corail usé comme un sous-marin soviétique. Il est posé là, long, froid, vieux et immobile tel un rideau de fer qui n'aurait pas connu la libération capitaliste. Jules associe toujours le train aux cheminots et les cheminots au communisme. Loin des meeting de Georges Marchais et des défilés exotiques de la Chine de Mao, il repense à Eisenstein, aux soviets et à la dictature du prolétariat. Quand il prend l'avion, c'est au patron de Virgin dont il ne se rappelle jamais le nom auquel il pense.

 Il n'y a pas foule, c'est le moins qu'on puisse dire. Juste un couple de personnes âgées et un homme seul. Jules s'intéresse immédiatement à lui. Il doit avoir son âge, trente cinq ans maximum. Sa manière de se tenir debout intrigue Jules. Aussi immobile qu'une statut et pourtant un simple souffle semble à même de le faire tomber. Ses grands pieds et sa lourde carrure tranche avec ses yeux absents et ses épaules tombantes. Jules s'assoit sur le banc derrière lui. Il ne voit désormais que cette nuque puissante et poilue. Sa troisième cigarette d'après sevrage commence à lui faire apprécier le fait d'être assis.

 Plus que quinze minutes avant le départ. Le vent s'engouffre sur le quai F ; le jeune homme désormais assis propose une cigarette à Jules, il essaie de refuser mais l'autre ne l'entend pas. Il sent bien tout le pouvoir de la nicotine sur son cerveau alors que Bilal, avec un fort accent indéfinissable, lui demande :

 _ "Vous attendez le train ?"

 _ "Non j'attends juste."

 _ "Mais vous attendez quoi au juste ?"

 _ "Rien. Et vous ? Vous partez en vacances à Rome ?"

 _ "Non j'y vais pour un enterrement."

La réponse que Jules craint le plus. Il ne se sent pas désolé, d'ailleurs tout le monde sait qu'il n'y peut rien, sauf peut être son ex-femme qui pense que tout est de sa faute. Il n'arrive pas plus à présenter ses condoléances, d'une part il ne sait pas ce que cela signifie, et d'autre part il ne ressent pas la douleur de l'autre.

 _ "Quelqu'un de proche ?"

Non c'est vrai qu'on adore parcourir mille kilomètres pour enterrer les gens qu'on ne connaît pas, ça fait une sortie peste Jules contre lui-même.

 _ "Mon frère, enfin mon demi-frère. C'est le fils de mon père mais je ne l'ai jamais vu et je ne savais pas que j'en avais un avant sa mort. Celle de mon père je veux dire. Il s'agit en fait..."

Jules essaie d'établir une cohérence à ce récit mais abandonne au troisième mariage de Luka, le père de Bilal, avec la nièce de la soeur de sa deuxième femme, sa première femme est la mère de Bilal. Jules qui a toujours reproché à sa famille d'être tout ce qu'il y a de trop normal en est bien content aujourd'hui.

15 mai 2009

LOU 1/999

Dégoulinante de sueur, la proximité de l’appartement de Thomas ne lui était d’aucun réconfort. Sous les combles d’un immeuble du vieux Lyon, la chaleur était suffocante en été et on traversait un mois de juillet caniculaire.

 Il croquait une pomme, négligemment couché sur le canapé. On le sentait très appliqué à dessiner avec le moins de réalisme possible la surface plissée de ce fruit depuis trop longtemps oublié. Il ne semblait nullement s’être aperçu de sa présence jusqu’à ce que sa jupe ait glissé le long de ses cuisses, laissant apparaître un petit triangle brun. Il l’accueillit dès lors avec trop d’attention, trop de précaution. Ses caresses la chatouillaient, son sexe l’effleurait. Il voulait lui donner du plaisir, elle voulait qu’il lui fasse mal. Il voulait l’aimer, elle voulait qu’il la viole. Afin d’écourter cette ennuyeuse performance, elle simula un orgasme qui n’avait rien à envier à ceux d’une star du porno.

Alors qu’elle cherchait sa culotte, dommage collatéral presque inévitable à toute déclaration sexuelle, elle repensa à Jules. C’était la première fois depuis si longtemps qu’elle s’en étonna. Durant la soirée, il lui revint en tête à plusieurs reprises, d’ailleurs non plus à travers de simples souvenirs mais comme dissocié de cadre, hors de l’espace. Bien qu’elle ne soit pas superstitieuse, elle sentit qu’il avait besoin d’aide, besoin d’elle. Idée qui lui aurait paru totalement folle un instant plus tôt,mais là, sans aucun doute, elle savait ce qu’elle devait faire.

Elle passa une nuit agitée, entre rêves surnaturels et réveils fréquents où toute la chaleur du Sahel semblait avoir pénétré la chambre.

À l’heure où son chat gratta à la porte pour réclamer sa pâtée, elle rassembla ses affaires et sortit sans un bruit.

Thomas l’avait tout de suite attirée car il n’avait pas cherché à la séduire. Être sans cesse accostée l’ennuyait, elle savait qu’elle était belle, ce n’était pas utile qu’on le lui rappelle. Très détaché, Thomas donnait la sensation de ne jamais être en demande. Elle regrettait juste de ne pas l’aimer. Elle avait longuement hésité avant de vivre avec lui. Pourquoi vivre avec quelqu’un que l’on sait devoir quitter un jour ? Elle avait choisi la moins mauvaise solution, elle qui ne supportait pas d’être seule. Après avoir longtemps réfléchi à la manière de lui faire comprendre qu’elle partait à la recherche de Jules aussi loin qu’il puisse être, elle avait accepté que Thomas ne fasse plus partie de sa vie. Pourtant son courage l’abandonna au moment de le réveiller.

10 mai 2009

JULES 1/999

Il fallait que j’aille me rafraîchir. Je tombai du lit et titubai littéralement jusqu’à la salle de bain. Devant le lavabo, je levai la tête afin de m’observer dans la glace. J’adorais me regarder, mais paradoxalement je détestais ce que j’y voyais. C’était peut-être dans l’espoir d’un changement, moins celui de mon corps que celui de mon regard. Cette nuit-là je pris vraiment peur. J’étais épuisé bien sûr, je n’avais pas dormi depuis deux jours. La tension de tous les événements se lisait aussi dans mes yeux rougis et cernés. Mais ça ne venait pas de là, ni de ma barbe et de mes cheveux hirsutes. Autre chose m’effraya. Celui que je découvrais me ressemblait mais n’était plus celui que j’avais toujours connu. Je mis du temps à comprendre, c’était tellement évident pourtant. Un assassin, j’étais devenu un assassin ! Ce miroir qui selon un auteur anonyme « est une machine par laquelle les choses sont mises en relief hors d’elles-mêmes » me crachait cette vérité au visage. Depuis vingt-quatre heures, les choses s’étaient déroulées tellement vite et tout avait été planifié depuis si longtemps que j’avais agi sans vraiment y penser. J’éprouvais une certaine honte de ne pas m’en être aperçu avant. Je fus tout d’un coup assailli de questions : Cela avait-il si peu compté pour moi ? Etais-je un monstre ? Je me mis à sourire. Être dans cet appartement, chez cette pute, la bite à l’air (d’une petitesse comique), et me poser des questions existentielles ! Ce sourire se mua en un rire franc qui me soulagea. J’étais redevenu calme, demain serait la fin, plus qu’une fois et ça serait fini. Je retournai dans la chambre, mon hôtesse s’était assoupie. Le drap lui recouvrait juste la moitié du corps. Je m’étendis auprès de ce flanc érotiquement laissé à ma vue, abandonné à mes désirs. Je la caressai en l’effleurant le plus tendrement possible pour ne pas la réveiller, mais juste éveiller ses sens. Quelques frissons la parcoururent puis je m'endormis la main enrobant son sein droit.

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ASSEZ DIT
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