LOU 1/999
Dégoulinante de sueur, la proximité de l’appartement de
Thomas ne lui était d’aucun réconfort. Sous les combles d’un immeuble du vieux
Lyon, la chaleur était suffocante en été et on traversait un mois de juillet
caniculaire.
Il
croquait une pomme, négligemment couché sur le canapé. On le sentait très
appliqué à dessiner avec le moins de réalisme possible la surface plissée de ce
fruit depuis trop longtemps oublié. Il ne semblait nullement s’être aperçu de
sa présence jusqu’à ce que sa jupe ait glissé le long de ses cuisses, laissant
apparaître un petit triangle brun. Il l’accueillit dès lors avec trop
d’attention, trop de précaution. Ses caresses la chatouillaient, son sexe
l’effleurait. Il voulait lui donner du plaisir, elle voulait qu’il lui fasse
mal. Il voulait l’aimer, elle voulait qu’il la viole. Afin d’écourter cette
ennuyeuse performance, elle simula un orgasme qui n’avait rien à envier à ceux
d’une star du porno.
Alors qu’elle cherchait
sa culotte, dommage collatéral presque inévitable à toute déclaration sexuelle,
elle repensa à Jules. C’était la première fois depuis si longtemps qu’elle s’en
étonna. Durant la soirée, il lui revint en tête à plusieurs reprises,
d’ailleurs non plus à travers de simples souvenirs mais comme dissocié de
cadre, hors de l’espace. Bien qu’elle ne soit pas superstitieuse, elle sentit
qu’il avait besoin d’aide, besoin d’elle. Idée qui lui aurait paru totalement
folle un instant plus tôt,mais là, sans aucun doute, elle savait ce qu’elle
devait faire.
Elle passa une
nuit agitée, entre rêves surnaturels et réveils fréquents où toute la chaleur
du Sahel semblait avoir pénétré la chambre.
À l’heure où son
chat gratta à la porte pour réclamer sa pâtée, elle rassembla ses affaires et
sortit sans un bruit.
Thomas l’avait
tout de suite attirée car il n’avait pas cherché à la séduire. Être sans cesse
accostée l’ennuyait, elle savait qu’elle était belle, ce n’était pas utile
qu’on le lui rappelle. Très détaché, Thomas donnait la sensation de ne jamais
être en demande. Elle regrettait juste de ne pas l’aimer. Elle avait longuement
hésité avant de vivre avec lui. Pourquoi vivre avec quelqu’un que l’on sait
devoir quitter un jour ? Elle avait choisi la moins mauvaise solution,
elle qui ne supportait pas d’être seule. Après
avoir longtemps réfléchi à la manière de lui faire comprendre qu’elle partait à
la recherche de Jules aussi loin qu’il puisse être, elle avait accepté que
Thomas ne fasse plus partie de sa vie. Pourtant son courage l’abandonna au
moment de le réveiller.